La station de Risoul et la FFTri célèbreront les 13 et 14 juillet prochain le 30e anniversaire du «Gauloises», épreuve emblématique des sports outdoor.
©M.Dalmasso
Sans le Raid Gauloises, le paysage des sports outdoor ne serait peut-être pas ce qu’il estaujourd’hui. Le « Gauloises » c’est d’abord l’événement fondateur d’une discipline à part entière, le raid multisport, aujourd’hui placé sous l’égide de la FFTri, mais aussi d’un circuit mondial, l’Adventure Race World Series.
Si le raid n’est plus sous les feux des projecteurs dans l’Hexagone, l’activité reste très suivie dans d’autres pays comme la Suède, les Etats-Unis, l’Espagne, l’Australie ou encore la Nouvelle Zélande, qui entretient une longue tradition de courses d’endurance.
Quand on observe l’évolution des pratiques outdoor, il apparaît que le Raid Gauloises, au-delà du raid multisport, est à l’origine d’un mouvement plus général de développement des courses nature. On lui doit indirectement l’essor du trail – nombre d’épreuves sont d’ailleurs organisées par d’anciens raiders – ou encore l’émergence du swimrun, qui s’inscrit complètement dans la culture et l’esprit d’équipe de l’adventure race.
Enfin, le Raid Gauloises, qui s’est déroulé de 1989 à 2003, a été le témoin ou plutôt le théâtre de la « sportivisation » des sports outdoor ; du glissement du mode « exploration » des origines vers un mode « compétition » qui domine encore aujourd’hui.
Les origines
Le Raid Gauloises trouve ses racines dans l’esprit d’aventure qui soufflait avec force dans les années 80 et qui donna naissance à la Route du Rhum, au Paris Dakar, au Vendée Globe ou encore au Camel Trophy. Grand reporter à Europe 1, Gérard Fusil a l’idée d’organiser dès 1987 un « Paris-Dakar non-motorisé ». A l’époque, le « Dakar » était une grande aventure ouverte à tous, où s’affrontaient dans les dunes du Ténéré des véhicules hétéroclites, du Land Rover à la 4L Renault. Rien à voir avec la course d’aujourd’hui.
Gérard Fusil était un proche de Thierry Sabine, le charismatique patron de TSO, qui le mit en relation avec une autre personnalité emblématique des sports de glisse et d’outdoor, Alain Gaimard.
Guide de haute montagne, Alain Gaimard a notamment été un pionnier du snowboard avec le film Apocalypse Snow, dont il a été l'un des instigateurs. Fondateur d'Arc Aventures, il accompagnait déjà Thierry Sabine dans l’organisation du Raid Blanc à ski.
Il ne restait plus qu’à trouver un sponsor pour réaliser le projet. La Seita (la société nationalisée du tabac) devint partenaire de l’épreuve avec sa marque de cigarettes Gauloises. C’est Patrick Brignoli, employé à la promotion des marques Gitane et Gauloises, qui prit alors la direction de Raid Gauloises Organisation et de ses satellites. Ce qui semblait au départ une bonne idée (avec un budget équivalent à 1 M€) s’avérera un mauvais choix à partir de 1991 avec la promulgation de la loi Evin. Malgré un montage fumeux (création d’une société en Belgique) le nom du cigarettier pénalisera la médiatisation de la course sur les grandes chaînes et médias nationaux.
Le raid aventure a préfiguré la « sportivisation »
des sports outdoor
La première édition du Raid Gauloises se déroula en 1989 en Nouvelle-Zélande. Pays où se tient déjà depuis 1983 une course multisport de deux jours, le Coast to Coast.
« Initialement, j’avais pensé à la Terre de Feu, mais pour des raisons logistiques j’ai préféré l’île du Sud de la Nouvelle-Zélande, raconte Gérard Fusil. Le principe du Raid Gauloises c’était une course par équipes de cinq personnes, dont une femme, en immersion dans la nature pendant une dizaine de jours. Sur la première édition nous comptions 25 équipes. Par la suite nous en avions une quarantaine, soit 200 personnes à encadrer. » Dans l’esprit de son fondateur, le Raid Gauloises devait être une grande aventure accessible à toute personne en bonne condition physique.
La scission
Au fil des éditions, la relation entre les deux hommes forts du Gauloises, Fusil et Gaimard, se détériora. En 1998, Alain Gaimard prit les commandes de l’événement et Fusil quitta l’aventure pour monter l’Elf Authentique Aventure.
Après la Nouvelle-Zélande, le Raid Gauloises a parcouru le monde : Costa Rica, Nouvelle-Calédonie, Oman, Madagascar, Argentine, Afrique du Sud, Equateur... La 10e édition se déroula en l’an 2000 en Himalaya, entre Chine et Népal. Une des épreuves les plus longues et difficiles avec un passage à 5 000 mètres d’altitude. Mais la course du millénaire marqua un tournant dans l’organisation de l’événement. La course s’étire et éclate en deux groupes distincts : d’un côté les équipes de tête « ultra sportives » et derrière, à deux jours d’intervalle, la masse des concurrents « baroudeurs ». Presque deux courses en une. Un casse-tête pour le staff d’Alain Gaimard.
Cette division des équipes était symptomatique de la « sportivisation » qui avait progressivement gagné les sports outdoor. Une tendance d’ailleurs bien visible dans l’évolution vestimentaire : la tenue « Lycra » (celle des traileurs d’aujourd’hui) avait supplanté la panoplie du « trekkeur aventurier ». Le Raid Gauloises est passé de Millet, premier partenaire équipementier, à Salomon, qui a élaboré sur le raid l’équipement de trail dont il est devenu leader par la suite. A la même époque, le trail frémissait déjà, arrivant avec ses propres codes pour se démarquer des marathoniens : la tenue « raid aventure » supplantait le look « athlé » qui avait cours dans le cross-country et la course de montagne.
Le clap de fin
En 2002 l’aventure continua au Vietnam, puis en 2003 en Kirghizie. Et là, ce fut le drame. Dominique Robert, une monitrice de ski de Megève et concurrente aguerrie avec plusieurs « Gauloises » à son actif, décéda dans un accident de kayak. Très affecté – Dominique Robert faisait partie de la petite famille des pionniers du raid – Alain Gaimard décida toutefois de ne pas stopper la course. La polémique enflamma la caravane. Plusieurs équipes françaises, les plus intimement touchées, décidèrent d’arrêter. Alain Gaimard encaissa les critiques. « Ça m’a fait mal », nous confia-t-il alors, rappelant que le Dakar n’avait jamais arrêté après le décès d’un concurrent. La majorité des équipes reprit cependant la course. Mais la ligne d’arrivée de cette édition kirghize fut le point final de l’aventure Raid Gauloises.
L’année suivante l’organisation décida de changer le concept et le nom de l’épreuve pour s’appeler The Raid World Championship, avec le tandem Saab-Salomon comme sponsor. Le nom Gauloises s’envola en fumée. Le propriétaire de la marque ne voulait peut-être pas prendre le risque de voir son nom à nouveau associé à un accident mortel. L’orientation devint résolument sportive, avec des équipes internationales quasi professionnelles, en tous cas dans leurs méthodes. « Le monde du raid a changé. Aujourd’hui la plupart des participants sont très bien préparés. Nous ne sommes plus au début de l’aventure avec des équipes à la Indiana Jones. Nous voulons faire un raid pour les 25 à 30 équipes élites de la discipline », nous expliquait à l'époque Alain Gaimard. Un circuit d’épreuves qualificatives fut mis en place pour sélectionner les participants à The Raid, championnat du monde autoproclamé. Suivirent 4 superbes éditions en Argentine (Patagonie 2004), en France-Italie-Suisse (Annecy-Mont Blanc-Gstaad 2005), au Canada (Québec 2006). Malheureusement The Raid était trop lourd à financer.
Alain Gaimard tenta une ultime formule, plus légère et rapide : l’Abu Dhabi Adventure Challenge ou la sportivisation du raid poussée à l’extrême.
Au fil des ans, le Raid Gauloises a formé une grande communauté en France et dans le monde. Les participants ont essaimé en organisant eux-mêmes des raids (locaux ou internationaux comme l’Eco Challenge ou Raid in France), des courses de VTT (Chemins du soleil...), des épreuves de trail (MaxiRace, Trail Côte Opale...) ou d’autres courses nature comme le swimrun. C’est cette grande famille, qui a contribué à forger l’outdoor d’aujourd’hui, qu’Hervé Simon, président de la commission raid au sein de la FFTriathlon, souhaite réunir le temps d’un week-end pour fêter le 30e anniversaire du Raid Gauloises, la grande saga du sport aventure.
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