Président de la commission montagne à l’Union sport & cycle, Morgan Redouin pointe les disparités qui existent dans l'attribution des aides.
À l’issue de l’hiver, combien les fabricants d'articles de sports d'hiver ont-ils perdu ?
« Déjà l’hiver dernier, avec la fermeture des stations au 15 mars, notre chiffre d’affaires avait chuté de 30 % et les projections pour cette saison sont encore plus catastrophiques. Soit -70 %, si l’on se réfère aux intentions d’achat des détaillants. Au premier trimestre, qui d’ordinaire pèse 15 % de notre chiffre, les marques ont enregistré entre -70 et -85 %. En pleine campagne de vente, nous n’avons vu que 30 à 50 % des clients, qui restent très prudents. Et les commandes sont très éparses et réduites (excepté les produits de ski nordique et de randonnée). Ceux qui avaient annulé leurs commandes en début d’hiver aujourd’hui passent commandes, mais ceux qui ont commandé ne commandent pas. Tout dépend de la trésorerie des magasins. Certains ont reçu des aides de l’État, obtenu un PGE et des décalages de paiement de leurs fournisseurs. Mais cet attentisme risque de perdurer jusqu’au quatrième trimestre. Nous espérons tous un rebond si la pandémie le permet. »
Les collections seront-elles reconduites l’hiver prochain ? Et quelle sera la part des nouveautés ?
« La reconduction des collections est très variable, selon les marques. Cet hiver, quand la situation des stocks n’évoluait pas, les produits nouveaux ont été conservés et leur lancement reporté. Au final 50 à 70 % des collections ont été reconduites, les 30 à 50 % restants sont des nouveautés. Car les stocks en magasins, notamment ceux qui ont arrêté de vendre tôt dans la saison, doivent être absorbés. »
Attendez-vous encore des indemnités de l’État ? Vos revendications sont-elles toujours au point mort ?
« Selon leurs pertes de chiffre d’affaires, certains ont perçu le fonds de solidarité en décembre avec un seuil mensuel plafonné à 10 000 euros. Un montant dérisoire quand on sait que novembre et décembre sont nos deux plus gros mois de facturation. Le fonds a ensuite évolué pour passer à 20 % du chiffre d’affaires avec un plafond à 200 000 euros, mais sur des mois où on ne facturait que très peu! Nous sommes pour l’essentiel passés à travers. Désormais, c’est la grande traversée du désert.
Nous répétons encore et encore à l’exécutif qu’il est vital, pour nous fabricants, de maintenir le fonds jusqu’à 31 décembre 2021 puisque le plus gros impact de cette crise va se traduire au dernier trimestre. Et c’est d’autant plus important que la compensation sur les coûts fixes dépend du fonds de solidarité. Ceux qui n’ont pas accès à ce fonds ne reçoivent aucune aide sur les charges fixes qui pourtant courent sur toute l’année. Nous avons multiplié les entrevues avec Alain Griset, le cabinet de Jean Castex… rien ne bouge. Aujourd’hui, notre objectif est de maintenir la pression pour obtenir ce prolongement car notre activité est décalée de celle des magasins.
Et la situation est pire pour les marques qui ne font qu’une partie de leur chiffre d’affaires en hiver ?
Il ne faut pas non plus oublier que l’essentiel de l’industrie du ski est issu de groupes (Amer, Scott, Head, Tecnica…), qui se sont diversifiés. Ainsi, ceux qui ont enregistré des pertes inférieures à 50 % de leur chiffre d’affaires et du fait de cette diversification, ne sont pas éligibles à ces dispositifs alors qu’ils subissent d’importantes pertes liées directement à la fermeture des remontées mécaniques. Du coup, certains sont aidés, d’autres pas et cette distorsion n’est pas acceptable. On se retrouve aujourd’hui avec une industrie qui a perdu plusieurs centaines de millions d’euros sans quasi aucun soutien de l’État. » // Patricia Rey
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