La marque leader de snowboard a développé une culture d’entreprise prônant la parité et aidant les femmes à progresser en son sein. Elysa Walk, senior vice-présidente, nous parle « d’empowerment ».
Quelle est la philosophie de Burton en matière de leadership féminin ?
Notre objectif est d’avoir les meilleurs talents au bon endroit. Il y a quinze ans, Jake et Donna, les co-fondateurs, se sont rendu compte que la parité du début n’existait plus et qu’il n’y avait que trois femmes au Conseil d’administration, parmi 25 membres. Ils ont alors impulsé une démarche en interne, afin que Burton soit un lieu de travail épanouissant pour le personnel féminin et que chaque femme, de la standardiste à l’athlète, en passant par l’employée de magasin, trouve son chemin vers le succès. Cela a commencé par des mesures très simples mais rarement réalisées, comme le congé de maternité payé de 4 mois – contre 3 mois non payés aux Etats-Unis – ou la prise en charge des frais de baby-sitting en cas de déplacement. Autre investissement dans le développement professionnel des femmes : le Women’s Leadership initiative, programme de parrainage qui les met en relation avec une personne référente ayant plus d’expérience dans l’entreprise pour gérer l’avancement de leur carrière. Lors des Women’s Leadership Days, des intervenants abordent avec elles l’art de la négociation, la gestion du temps ou le management des équipes. Quant à la Women’s Professionnal Association, elle sert à connecter les femmes entre elles, lors d’événements et d’activités outdoor.
Qu’en est-il sur le terrain sportif ?
Depuis la création du Burton US Open en 1982, plus grande compétition de snowboard en-dehors des Jeux olympiques, nous pratiquons l’égalité des primes : par exemple, les vainqueurs, homme et femme, ont touché chacun 45 000 dollars cette année. Les femmes font les mêmes courses que les hommes, elles prennent les mêmes risques et offrent le même spectacle. Nous ne nous en sommes jamais vantés, c’est naturel (« organic ») pour nous. Le sujet est revenu dans les médias, à propos des revendications salariales de l’équipe féminine américaine de soccer, championne du monde. Par ailleurs, nous considérons la maternité comme une étape dans la vie : pour nous, les mères sont des athlètes comme les autres. Lors de leur congé de maternité, nos athlètes, telle Kimmy Fasani il y a quelques années, conservent donc leur contrat, sans modification. Une position à comparer avec la controverse qui avait opposé Nike à l’athlète Allyson Felix, et qui a abouti à la suppression d’une clause de performance, qui portait préjudice aux sportives revenant de congé de maternité.
Quelles pistes restent à explorer maintenant ?
Aujourd’hui, la parité est atteinte au Comité de direction. Les femmes représentent 47 % des effectifs. Nous avons beaucoup fait pour que Burton soit un endroit propice à l’épanouissement des femmes et nous continuerons. Cela demande de l’attention, du travail et des efforts. Nous voulons garder le cap, car certains secteurs de l’entreprise ne connaissent pas encore la parité, par exemple dans les équipes de vente des magasins. Le design, l’administration... sont plus marqués par les femmes. Ces mesures en faveur de l’empouvoirement ont pour partie contribué à l’obtention de la certification B Corp (certification répondant à des exigences sociétales et environnementales. Ndlr) en octobre dernier, qui montre que nous agissons pour le bien de l’environnement, de notre personnel, des produits... Il y a quelques années, nos publicités montraient surtout des hommes, et les femmes tenaient le second rôle. L’équilibre a été modifié, notamment sur les réseaux sociaux. Burton accorde beaucoup d’attention aux athlètes féminines. Nous sommes fiers de dire que la promotion, chez nous, met toujours en valeur leurs capacités sportives et non leur physique, comme s’il s’agissait de top-models.
Les snowboardeuses Kimmy Fasani, Julia Marino, Anna Grasser, égéries du team Burton. Comment voyez-vous le leadershipféminin, ailleurs dans le sport ?
Je pense qu’il devrait y avoir plus de femmes à des postes décisionnaires dans l’industrie du sport et dans les fédérations. Leur présence autour de la table ouvre des portes et élève le sport en général. Elle va devenir naturelle pour les hommes, c’est bénéfique pour eux aussi. Il y a encore du travail pour assurer l’égalité dans la représentation des athlètes, la diffusion de programmes sportifs concernant des compétitions féminines. Notre CEO, Donna Carpenter, représente Burton au sein de Camber Outdoors, qui promeut le leadership des femmes dans le domaine de l’outdoor. C’est l’occasion pour elle d’expliquer à ses homologues notre démarche, devenue un modèle et une source d’inspiration pour les autres entreprises. L’outdoor est naturellement inclusif parce qu’il n’est pas compétitif par définition. Il accepte tous les âges, les débutants, les familles... Il n’est pas question de gagner, mais de sortir et de profiter de la nature, de la montagne, de la mer...
Qu’est-ce qui caractérise l’approchedu marché féminin chez Burton ?
Chez Burton, une phrase comme « Donnez-moi votre avis en tant que femme » ne fait pas partie du lexique. Nous travaillons ensemble, c’est « organic » et très sain, que nous parlions de produits pour hommes ou pour femmes, de systèmes de fixation, etc... Le cas de Burton est vraiment à part. Ailleurs, l’approche en ce qui concerne les femmes et le marché féminin diffère. Le domaine du cyclisme est beaucoup plus masculin, même s’il veut évoluer de ce côté-là, je l’ai vu en tant que directrice générale de Giant aux Etats-Unis. Par ailleurs, chez nous, le « shrink and pink » (cintré et rose) n’est pas de mise. La première planche pour femmes était rose, en effet, mais elle n’a pas duré plus d’une saison, car les pratiquantes ne l’ont pas vraiment plébiscitée. La clientèle Burton est féminine à 50 % dans les magasins en propre (peut-être parce que le personnel est plus féminin) et en e-commerce, mais représente seulement 35 % dans les autres canaux de distribution. /// propos recueillis par Marianne Quiles
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